Que peuvent les médias face aux flux migratoires?
Réunis à Gaborone pour la 15ème assemblée générale de l’Union Africaine de Radiodiffusion (UAR), des experts ont débattu du rôle crucial des médias face à l'ampleur des migrations au moment où les tragédies se multiplient. Des frontières aux écrans, les journalistes façonnent en grande partie le récit des migrations. Comment concilier l'impératif d'informer avec la nécessité de ne pas alimenter les peurs et les divisions ? C'est là toute la complexité de la tâche qui incombe aux professionnels des médias...
39 morts et des dizaines de familles endeuillées. Le drame a eu lieu le 08 septembre 2024, au large des cotes sénégalaises. De jeunes gens avaient pris place dans une embarcation de fortune afin de rallier l’Europe via l’archipel espagnol des Canaries. La pirogue qui avait à son bord plus de 150 personnes a chaviré à quelques kilomètres de la localité de Mbour peu de temps après son départ. Au lendemain de ce drame, la Marine sénégalaise a intercepté deux autres pirogues transportant plus de 400 personnes. Malgré ce lourd bilan, rien ne semble arrêter la saignée.
Selon un rapport glaçant de l’ONG espagnole Caminando Fronteras rendu public cette année, pas moins de 5 504 personnes ont perdu la vie en tentant de rejoindre l'Espagne entre janvier et mai 2024; soit près de 33 décès par jour. Un rythme effroyable qui équivaut à une vie brisée toutes les 45 minutes. Quelle est la responsabilité des médias face à ces drames ravageurs? Comment les médias, en tant qu'acteurs clés, peuvent-ils contribuer à une meilleure compréhension des causes profondes des migrations et à la promotion de solutions durables ? Au-delà des frontières, quel est le pouvoir des médias dans la gestion des migrations? Ce sont autant de questions soulevées au cours du panel organisé par l’UAR sur le thème: ‘’ Migrations : vers un autre destin. Défis et opportunités. Les médias peuvent-ils jouer un rôle ? ‘’
Placé sous la modération du Dr. Javad Mottaghi, enseignant à Hautes Études Commerciales (HEC) de Montréal au Canada, le panel a réuni trois figures de la scène médiatique africaine, européenne et asiatique: Cléophas Barore, Président du Conseil exécutif de l’UAR, par ailleurs Directeur général de la Rwanda Broadcasting Agency (RBA), Simona Martorelli, Directeur des Affaires internationales et européennes à la RAI (radiotélévision italienne) et Shashi Shekkar Vempati, ancien Président du Conseil d’administration de Doordarshan TV, en Inde (par visioconférence de Bungalor).
Phénomène mondial sans précédent, les migrations, transforment le visage de notre planète. Qu'ils soient économiques, politiques ou climatiques, ces déplacements forcés ou choisis sont le fruit de multiples facteurs : inégalités, conflits, changements climatiques, répression politique, manque d’emplois, regroupements familiaux, quête d'un avenir meilleur, etc.
250 millions de personnes vivent aujourd'hui loin de leur terre natale, arrachées à leurs racines par des événements qui parfois, dépassent leur contrôle. Parmi celles-ci, 65 millions ont fui les conflits armés, indique l’Organisation Internationale des Migrations (OIM). La situation des migrants, souvent confrontés à la précarité, à la discrimination et à l'isolement, témoigne de l'urgence d'agir pour bâtir un monde plus juste.
Certains participants à l’AG de l’UAR ont fait savoir que, si l'Europe accueille aujourd'hui un nombre impressionnant de migrants, c’est parce que des pays européens ont eux-mêmes une histoire marquée par l'impérialisme et la colonisation. Ce passé complexe influence les perceptions actuelles des migrations et les politiques mises en œuvre.
Pour d’autres par contre, bien que l'histoire coloniale de nombreux pays européens a façonné les relations internationales actuelles et contribué à créer des déséquilibres économiques et sociaux, on ne saurait réduire les enjeux des migrations actuelles à une simple question de responsabilité historique.
Au Botswana, les échanges entre panélistes et public ont mis en relief des préoccupations pressantes telles que la nécessité de fournir des informations sur les réalités des pays d’accueil et la situation dans les continents ou pays de départ.
Les médias pourraient ainsi jouer un rôle clé dans la lutte contre le racisme, les discours de haine, la xénophobie, la discrimination fondée sur le sexe, l’origine, la religion, les Fake news et les Deep Fakes. En valorisant les réussites locales (Success Stories) sur le continent, en promouvant la bonne gouvernance sous toutes ses formes, en dénonçant les entraves telles que la confiscation des libertés, la corruption, le favoritisme qui créent les inégalités et poussent les jeunes à quitter leurs pays d’origine, les médias cesseront d’être des spectateurs passifs.
Les experts ont également souligné l’importance d’intensifier l’échange de contenus sur les migrations entre les médias d’Afrique, d’Europe et d’Asie. Le Mémorandum d’entente entre l’Union Africaine de Radiodiffusion et l’Alliance latino-américaine d’information (AIL) conclu le 24 juin 2024 aux Îles Canaries témoigne de la volonté de l’UAR de trouver des pistes de solutions à ce fléau.
Loin de faire l’unanimité, les questions sur les migratoires continuent de faire couler beaucoup d’encre et de salive.
Au terme des débats, le Directeur général de l’UAR, Grégoire Ndjaka, a annoncé l’organisation d’un grand Forum africain sur les migrations, dédié aux professionnels de la communication, jeunes et décideurs. Cette initiative ambitieuse, en gestation depuis deux ans, vise à réunir les acteurs clés du secteur pour réfléchir ensemble aux défis liés aux migrations. Il se tiendra en 2025 à Kigali, au Rwanda.
Plus d'infos sur la 15ème AG....
PANEL SUR LES ECHANGES DE CONTENUS
PANEL SUR L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
PANEL SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
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